Regards

Publié: décembre 31, 2010 dans Quizz

 

Que des regards connus. Classés par « thèmes »

Allons z’enfants !!

Publié: décembre 27, 2010 dans Allons z'enfants !

Ce bon vieux Chivardi
(Présidentielles 2007)

 

Mais qui a réalisé cette affiche ?
Petit jeu : trouvez José
(Présidentielles 2007)

 

Quel sympathique smiley !

 

Là, c’est du lourd !
(Présidentielles 1981)

 

No comment

 

Brice the nice !
(Présidentielles 1981)

 

Ca c’est du slogan !
(Présidentielles 1988)

 

Ha ben en effet, ça a été très clair !
(Présidentielles 1995)

 

Heu…là…comment dire..?
(Présidentielles 2007)

Je suis frappé d’une terrible malédiction. Plus exactement, je suis la victime désarmée d’un gigantesque complot ourdi par la redoutable congrégation des caissières de France, laquelle œuvre de concert avec la secte sournoise des clients autistes.

C’est systématique, inévitable, surnaturel…

Comme chaque semaine, je viens d’effectuer mon ravitaillement alimentaire dans le Monoprix de mon quartier. L’opération s’est assez promptement déroulée et il faut maintenant régler la petite note.

Plusieurs caisses face à moi. J’ai moyennement rempli mon sac de courses (je me suis, en effet, résolu à acquérir une sorte de cabas afin d’éviter l’utilisation abusive de sacs en plastique parce qu’il y en a partout dans l’océan d’après Nicolas Hulot).

Un rapide coup d’œil circulaire me permet d’étudier sommairement le terrain et les forces en présence. Sur les sept caisses en activité, j’élimine la 2 et la 6 sans la moindre hésitation. File d’attente de cinq personnes pour l’une et de six, dont un couple, pour l’autre.

Il faut systématiquement éviter les couples. Surtout ne pas tomber dans le piège qui consiste à croire que parce qu’ils sont deux, tout va aller plus vite. Que, par exemple et selon toute logique, l’un va se placer d’un côté du caddie pour le décharger, et que l’autre va récupérer les marchandises à l’opposé et remplir ses sacs en plastique (parce que ces gens-là n’écoutent pas Nicolas Hulot même s’ils l’aiment bien le samedi soir à la télé). C’est mal connaître les couples qui font leurs courses.

Non, généralement, l’homme se place devant son chariot et commence à le vider pendant que sa délicieuse épouse retourne dans les rayons parce qu’elle a oublié un produit dont elle seule connaît l’existence et qui n’aura qu’une utilité toute relative dans l’élaboration de l’improbable recette du poussin aux olives d’Iran trouvée dans les fiches cuisine du dernier Femme Actuelle.

Lorsqu’elle réapparaît, la caissière a déjà effectué le total des achats et a annoncé au mari la somme de 117,50 euros. Du coup il faut payer à part le produit qui vient d’arriver. Mais comme elle n’a pas de liquide sur elle, elle attend que le mari, qui par ailleurs n’a pas encore commencé à remplir les sacs, lui tende un billet qu’il met un temps fou à sortir d’une poche de pantalon qui semble contenir 12 trousseaux de clés, un nombre impressionnant de pièces de 2 centimes et plusieurs tickets de tiercé.

Mais avant de songer à régler l’article fauteur de trouble, il faut s’acquitter de la facture de 117, 50 car la caissière doit effectuer chaque opération dans l’ordre. C’est déjà assez compliqué comme ça !

Nouveau contretemps : la carte bancaire familiale se trouve dans le sac à main de madame. Celle-ci se lance donc dans des fouilles interminables et se crispe parce que son mari la presse lorsqu’il s’aperçoit que les gens qui font la queue ont fortement tendance à devenir rouges d’énervement. Lorsque, enfin, elle trouve la carte, cette aimable ménagère s’aperçoit qu’elle ne peut accéder à l’appareil puisqu’elle se trouve du mauvais côté du caddie. Elle tend donc le précieux moyen de paiement à son mari, qui ne la regarde plus puisqu’il s’est enfin décidé à remplir les sacs de Nicolas Hulot. Et comme il a commencé, pas question de s’arrêter avant d’avoir terminé. Résultat, tout est bloqué jusqu’à ce qu’il se décide à utiliser cette satanée carte bancaire, ce qui lui permet, en plus, de faire le paon puisqu’il peut montrer à tout le monde que c’est lui qui paye. Il faut systématiquement éviter les couples.

Bon, que reste-t-il ?

La caisse N° 1. Peux pas. C’est la caisse « moins de 10 articles ». Celle qui est toujours vide. Je me suis toujours demandé si la caissière de cette caisse-là avait un poste en or où il fait bon glander pendant des heures ou si, au contraire, elle était là, par punition, enviant l’activité intense de ses congénères qui, elles, au moins, ne voient pas la journée passer.

La 3 ? Non plus. Je connais la préposée. C’est la plus lente du groupe. Elle a le même nombre de mains que de neurones, mais elle n’en utilise qu’une. Je proscris.

Reste la 4, la 5 et la 7. Bon. La navigation semble être assez identique pour les trois. Il fut un temps où j’aurais choisi la caissière la plus jolie. Mais, outre le fait qu’il n’a jamais été démontré que la plus jolie fût également la plus rapide, je n’ai jamais engagé la moindre conversation avec une caissière professionnelle. Donc l’aspect physique concernant une relation inexistante n’a qu’une importance très très relative au regard de cette irrépressible envie de sortir du magasin qui commence à naître en moi.

Allez, va pour la 5. Il y a un homme seul avec assez peu d’articles, et une mamie. Je sais, la mamie est risquée mais c’est parfois trompeur. J’évalue à 1 chance sur 2 de tomber sur la mamie sénile qui en est encore aux anciens francs et qui discute avec la caissière de la pluie et du beau temps, comme on pouvait le faire encore il y a quelques années avec un commerçant normal, c’est-à-dire provincial. Contrairement aux idées reçues, la mamie n’est pas toujours « bloquante ». Elle a souvent peu d’articles, règle en espèces et a déjà préparé sa monnaie.

Par conséquent je tente le coup. Je m’avance donc vers l’allée choisie et dépose mon premier article sur le petit bout de tapis roulant fraîchement libéré par l’avancée de notre petite procession. Ce n’est qu’à cet instant-là que la caissière me jette avec dédain l’immuable : « C’est fermé après la dame ».

Même si je le sais, même si c’est à chaque fois la même chose, même si je suis, dans le monde entier, celui qui a le plus souvent entendu « C’est fermé après la dame », je ne parviens jamais à prendre la chose avec la philosophie nécessaire. Je fusille du regard l’odieuse caissière, en vain, car elle a déjà oublié mon existence (si tant est qu’elle en eut conscience une seule seconde) et a repris ses mouvements de robot qui scanne inlassablement tout ce qui lui passe dans les mains.

Du coup, je reprends mes sachets de légumes, je quitte le rang et je procède à une nouvelle analyse puisque la configuration générale a évidemment évolué. Les deux caisses qui étaient relativement praticables se sont fait prendre d’assaut et je me retrouve quasiment au point départ.

Alors bon, je comprends, une fois de plus, qu’il est inutile de tenter quoi que ce soit. Ces gens sont trop forts. Résigné, je prends la file la plus proche de moi, les nerfs à vif et les jambes tremblantes. C’est en avançant à la vitesse vertigineuse de 5 cm à la minute que je m’aperçois, en regardant autour de moi, que le courant s’écoule désormais très rapidement dans toutes les caisses que j’ai préalablement dédaignées.

Même le mec au pull rouge qui a, sans le savoir, choisi la caissière la plus lente, se dirige déjà vers les escalators qui mènent à la sortie alors qu’il avait un chariot rempli.

Je suis maudit. Mais plus question de bouger. J’y suis, j’y reste, tant pis maintenant. Il ne peut plus rien m’arriver.

Grave erreur.

C’est le moment que choisit l’ignoble sous-chef responsable des tunes pour venir relever les compteurs de ses troupes. Et bien entendu elle commence par MA caissière (Irène comme son badge l’indique), qui, par conséquent, cesse toute activité afin de compter et de mettre en tas billets et autres chèques.

Je retiens mes larmes. Minuscule réconfort, un ou deux clients, manifestement énervés eux aussi, commencent à râler en fustigeant le directeur du supermarché « qui devrait embaucher avec tous les chômeurs qu’il y a ».

Après quelques secondes qui paraissent des heures, le convoi repart. A ce stade, je scrute, inquiet, le moindre indice annonciateur d’un nouvel incident. Plus que deux clientes avant moi. La première est déjà en train de payer, ses sacs sont remplis et elle règle par carte. Elle ne devrait plus poser de problèmes. Celle qui me précède achève de vider son chariot sur le tapis roulant. Elle a l’air rapide, agile et semble maîtriser l’opération. Courage, la fin du cauchemar est pour bientôt. C’est alors que la caissière brandit à pleine main un sachet de tomates vierge de tout code barre : « Ha ben zut, j’ai oublié de le peser ».

….

C’est avec le souffle coupé et la bouche ouverte que je regarde Irène disparaître dans les rayons pour peser les putains de tomates de cette conne-là qui, sentant mon envie de meurtre, ose me sortir sur un ton de reproche : « ha ben, ça peut arriver à tout le monde non ? ».

Non.

Non, ça n’arrive pas à tout le monde. Ca n’arrive qu’à moi. Ca n’arrive qu’à moi de tomber sur des cruches pareilles. Je n’en peux plus et je préfère ne rien répondre pour ne plus rien déclencher.

Irène revient. En marchant avec une lenteur inouïe. C’est à cet instant que je comprends tout. Il doit y avoir des caméras partout dans ce magasin. Ils me filment là…Ils filment tout le monde et préparent une gigantesque caméra cachée. Ils vont en faire un long métrage, ça va sortir au ciné…

Bon il faut que je me calme. Ça va être à moi. Mais bien sûr, avant ça, les deux complices vont jusqu’au bout : une minute supplémentaire de perdue avec la manipulation de la carte de fidélité qui va faire gagner 45 centimes pour tout achat supérieur ou égal à 20 euros. Une autre de perdue parce que la dégénérée règle par chèque. Il faut donc que la machine remplisse le chèque, que la cliente fasse semblant de vérifier le chèque et qu’enfin elle signe le chèque. Je crois que nous sommes l’un des derniers pays européen à utiliser le chèque. Je n’ai même pas envie de le lui dire.

Je veux sortir maintenant. Irène me dit bonjour (c’est obligatoire maintenant et ça se sent). Sans attendre ma réponse elle scanne mes produits que je range rapidement dans mon cabas (ça c’est pratique !), je règle et je me tire, vidé de mes plus forts sentiments envers l’espèce humaine.

Une fois dehors je prends une énorme bouffée d’air pollué et me dirige vers la boulangerie du quartier, dernière étape avant de retrouver avec bonheur mon logis dans lequel je serai enfin seul et ravitaillé pour un moment.

Dans la boulangerie j’aperçois une queue constituée de la plupart des clients qui étaient présents en même temps que moi au supermarché.

On peut très bien se passer de pain en mangeant.

(Pascal Mugnier – Le peuple emmerdeur. © ISkis éditions)